Le Gambit Dame (jeu de la dame) est une ouverture très populaire au jeu d’échecs, mais c’est surtout le nom que le réalisateur Scott Franck a décidé de donner à la formidable nouvelle mini-série The Queen’s Gambit, sortie sur Netflix en Octobre 2020. Le scénario est tiré du célèbre roman de Walter Tevis publié en 1983 qui raconte les aventures de Beth Harmon, une jeune prodige des échecs qui tente de se frayer un chemin dans un sport réputé « pour les hommes ».
En sept épisodes, The Queen’s Gambit retrace l’histoire d’une jeune orpheline à l’enfance tragique qui devient dès l’âge de 9 ans une passionnée d’échecs. Sa carrière débute dans un orphelinat où le concierge va lui apprendre les bases du jeu. Celui-ci prend vite conscience du talent de Beth et va ainsi la propulser dans ce milieu. Du haut de ses 17 ans, la jeune femme multiplie les victoires aux tournois et va se voir remporter l’US Open. Sa « deuxième mère » meurt peu de temps après, laissant Beth Harmon seule face au succès. Le sombre passé de la protagoniste la plonge alors dans l’addiction à l’alcool et les tranquillisants. Pour autant, l’auteur privilégie une fin heureuse puisque Beth remporte le titre de championne du monde d’échecs lors du tournoi de Moscow en 1968.
Un scénario tragique qui dépeint les travers de notre société
Nous sommes dans les années 1950 aux Etats Unis et les valeurs patriarcales et traditionnelles sont la norme. Ainsi, le spectateur qui se met rapidement à la place du personnage principal est plongé dans une société où les femmes blanches ne travaillent pas, ne se prononcent pas et s’ennuient. C’est pour cette raison que le personnage de Beth est si héroïque. En effet, dans les dialogues entre Beth et sa mère adoptive ou d’autres jeunes femmes comme elle, revient souvent le fait que Beth a une vie « passionnante » et « excitante », enviée de toutes.
Même si le thème central de la série repose sur les échecs, c’est surtout la condition tragique des femmes qui est retranscrite ici. Sa mère biologique l’élève seule et sans argent. Son amie à l’orphelinat n’est jamais adoptée car jugée trop noire. Et sa mère adoptive se fait quitter par son mari visiblement trop occupé par son travail. De plus, tout au long de son parcours Beth Harmon ne rencontre que des hommes et doit faire face aux clichés machistes arrogants. Pour autant, Beth Harmon va les défier un par un, pulvérisant les discriminations et injustices de l’époque.

D’autre part, toujours dans une volonté de réalisme, Scott Franck a souhaité aller plus loin en montrant les conséquences du conditionnement féminin. A cette époque, les femmes ont peu d’activités et leur rôle au sein de la société est bien délimité. Se voyant tourner en rond dans leur bocal, la mélancolie et la dépression les gagnent rapidement. Sombrer dans l’alcool et les tranquillisants apparaît dès lors comme la meilleure option. On peut d’ailleurs appuyer ce propos avec le film Les Noces Rebelles où dans les années 50 Kate Winslet voit ses rêves d’une vie trépidante s’envoler (lien).
A l’orphelinat, toutes les filles se voient attribuer un « traitement » sensé leur donner des vitamines. En réalité, elles sont dopées pour justement éviter des comportements anxieux ou dépressifs. Beth devient complètement addicte et les fameux cachets vert et blanc seront présents jusqu’à la fin de la série.
A première vue solide, la fragilité et l’enfance traumatisante de Beth Harmon la pousse aussi vers une consommation d’alcool abusive. Il faut dire que les femmes qui l’entourent sont dans l’incapacité de lui donner l’exemple. Sa mère adoptive est une alcoolique de longue date et sa camarade de classe devenue mère à 18 ans, cache des bières dans la poussette.

Un casting triomphant
Le rôle de Beth Harmon est incarné à merveille par la jeune actrice Anya Taylor-Joy. Du haut de ses 24 ans, cette actrice au regard perçant à déjà joué dans plusieurs films et séries à succès comme Split ou encore Peaky Blinders où elle joue le rôle d’une séductrice arrogante. C’est ainsi qu’on découvre la jeune femme sous un tout autre angle avec une puissance de jeu époustouflante. En effet, Anya Taylor-Joy oscille avec justesse entre innocence enfantine et force revancharde. Son regard profond transmet à merveille les émotions qu’elle traverse. D’ailleurs, il est important de préciser que les jeux de regards entre Beth et ses adversaires ont un rôle clé dans la mise en scène des parties d’échecs, toutes soigneusement travaillées de façon à mettre en valeur le plateau de jeu.
En conclusion, the Queen’s Gambit est une série féministe qui nous plonge au cœur des échecs. Pour autant, nul besoin d’être féministe ou maître de l’échiquier pour prendre goût à cette série. En effet, l’excellence de la mise en scène, du scénario et du jeu d’acteur font de Queen’s Gambit une série pouvant séduire tout type de public.

Je suis étudiante en première année de Bachelor Image&Co soit Production et Communication à l'ISCPA. J'étudie donc la production audiovisuelle et je souhaite activement évoluer dans ce milieu où la créativité et l'ingéniosité ne cessent de se renouveler. Par ailleurs, je suis passionnée par l'univers du cinéma et plus globalement par la création d'images et de sons. Je suis aussi très intéressée par l'actualité et le fonctionnement du monde qui nous entoure. J'espère pouvoir produire des articles qui vous intéresseront et pourquoi pas vous apprendront des choses!