Pour mieux comprendre la carrière de Kery James et son rapport à l’écriture, il convient de citer un de ses textes : « Je ne suis pas une victime mais un soldat » (Banlieusards, 2016). Cette citation représente parfaitement son parcours artistique, depuis Ideal J, son premier groupe de Rap jusqu’à Banlieusards, le film qui conclue un des chapitres de sa carrière. Il a toujours su imposer son opinion tout en faisant réfléchir son auditeur sur des questions de sociétés.
« Octobre 85, dans ce pays j’atterrissais »
28 décembre 1977, Kery James
D’origine Haïtienne, Kery est né en Guadeloupe le 28 décembre 1977 et s’installe à Orly en 1985. Il y découvre le mouvement hip-hop, qui deviendra pour lui un outil d’intégration à la « rue ».

A l’âge de 13 ans, le jeune rappeur se fait remarquer par MC Solaar lors d’un atelier d’écriture à la MJC d’Orly, celui-ci l’invite à collaborer sur son premier album, « Qui sème le vent, récolte le tempo » avec le groupe Raggasonic.
Peu de temps après, il créé le groupe Ideal J avec trois de ses amis. Le petit collectif enchaînent les festivals, puis en 1992, sort leur premier projet, « La vie est brutale ». Malgré le jeune âge de ses membres, Ideal J avait déjà un discours très politique et parlaient des ghettos, du racisme ainsi que des différentes injustices qu’ils vivaient au quotidien.
En 1995, la Mafia K’1fry est créé, avec des membres exclusivement issu du Val-De-Marne, comme Kery James, Rohff, Rimk ou encore Dry. Ce groupe comptait également Las Montana, qui décèdera tragiquement en 1999, lors d’un règlement de compte. Ce décès affecte tout particulièrement Kery, qui prend par la suite des distances avec la « rue » et la musique.
« Si c’était à refaire, assurément, je ferais autrement »
Si c’était à refaire, Kery James
Suite au décès de l’un de ses meilleurs amis, Kery James se convertit à l’Islam, ce qui lui a permet de prendre du recul sur toutes ses activités, ainsi que sur sa façon de penser. Poussé par ses proches deux ans plus tard, il revient avec un nouvel album dans lequel il adopte un tout nouveau discours. Ce discours consiste à aller à contre-courant de tout ce qui se fait dans le Rap français :
« Le courant majoritaire consiste à n’accuser que l’État uniquement, sans jamais se remettre en question. Moi, je vais à contre-courant. »
Il parle régulièrement de la « victimisation », un combat qu’il va mener tout au long de sa carrière. Il critique ceux qui jouent de la position de victime sans jamais se remettre en question.
« Je ne suis pas une victime mais un soldat. » Kery James – Banlieusards
Kery James a toujours été du côté du combat, en essayant d’être le plus juste possible face aux problèmes sociétaux. Il a écrit des musiques comme Constat Hammer, dans laquelle il dénonce le manque de solidarité entre les habitants des banlieues, mais aussi des musiques comme Lettre à la république où il parle du passé colonialiste de la France.

« J’VOULAIS FAIRE UN FILM, J’L’AI FAIT, J’N’AI PAS ATTENDU CANAL+, J’N’AI PAS ATTENDU L’CNC »
A qui la faute, Kery James
En 2019, Kery clôt le chapitre « banlieusard » avec un film où il retranscrit en image tout ce qu’il a pu défendre depuis des années. Il y a maintenant 12 ans, Kery James sort donc la musique Banlieusards, qui marque le début d’un nouveau combat pour lui. Il crée aussi une association (ACES : Apprendre, Comprendre, Entreprendre et Servir) qui vient en aide au jeune des quartiers, afin de les aider dans leurs études. Avec la lignée Banlieusards, Kery James pointe du doigt différents problèmes au sein des quartiers en France, que ce soit des problèmes liés à la gestion des banlieues par l’Etat, ou des problèmes directement causés par les habitants des quartiers. Pour contrer cela, il propose des solutions et un discours motivant à destination des jeunes.
Pour réaliser son film, le rappeur a du faire face à de nombreuses difficultés : bien que son scénario était déjà validé par des professionnels de l’écriture scénaristique, les chaînes de télévision refusent de produire son film. Il se tourne vers le théâtre, et monte sa propre pièce, qu’il joue pendant deux mois, à guichets fermés, avec plus de 50 000 spectateurs. Il aura fallu attendre 3 ans, pour qu’un producteur fasse confiance à Kery James, et décide de défendre le projet, des financements jusqu’à sa diffusion.

Banlieusards rencontre un grand succès avec près de 3 millions de visionnages la première semaine.
Ce succès s’explique par le fait que le film est rempli de message forts et fait réfléchir le spectateur sur différents problèmes sociétaux. Dans ce long métrage Kery affirme sa position de vouloir aller à contre-courant en mettant Soulaymaan dans la position du « défenseur » de l’état et Lisa celle qui « défend » la banlieue.
« Parce que j’ai grandi en banlieue je devrais être contre l’état ? »
SOULAYMAAN – BANLIEUSARDS, 2016
En apportant deux opinions différentes sur le sujet Kery James, montre que chacun à sa part de responsabilité et que tout le monde doit faire des efforts pour améliorer la situation.
Il livre un message très fort et motivant à destination des jeunes dans le film :
« Il est vrai qu’en banlieue du talent y en a, des idées y en a, de l’intelligence y en a, des rêves y en a, mais la vie est une question de choix » Soulaymaan – Banlieusards
C’est ainsi que Kery James clôt le chapitre Banlieusards avec un engagement tout particulier pour l’émancipation et la réussite des jeunes.
« LES POINGS LEVÉS, BRAS TENDUS, C’EST TENDU MAIS LE COMBAT CONTINUE »
Le combat continue, Kery James
Même après avoir fait du rap, de la poésie, du théâtre, du cinéma et créé une association, le combat de Kery James est encore loin d’être terminé. Il garde le même objectif en tête, améliorer la situation des banlieues en encourageant les jeunes à réaliser leur rêve, à travailler et à s’exprimer car :
« Échouer, ou réussir, mais au moins tenter sa chance. Moi je dis que plus le combat est grand, plus la victoire est immense. » Kery James – Post scriptum
