Femen est un groupe féministe créé en 2008 en Ukraine. Le mouvement est actuellement représenté dans onze pays (Belgique, France, Turquie, Brésil, Allemagne, Espagne, Hollande, Ukraine, Russie, Canada et Maroc), et leur présidente à l’international est Inna Shevchenko.

Les origines :
« La situation dans le pays est difficile, et on a pris dans le gouvernement des gens capables de travailler seize à dix-huit heures par jour et de mener à bien les réformes. Ce n’est pas une affaire de femmes de réaliser des réformes ». Prononcée par le premier ministre ukrainien Mykola Azarov en 2010, cette phrase à l’origine de nombreuses manifestations féministes, représente très bien la ligne politique suivie par le régime ukrainien depuis le début des années 2000 : un gouvernement où les femmes sont très peu représentées.
Dès 2008, trois jeunes ukrainiennes (Anna Hustol, Oskana Chatchko, et Oleksandra Shevchenko) s’indignent de la place réservée aux femmes dans la société. Elles décident alors de créer le mouvement des Femen à Kiev, afin de rassembler les femmes, de militer pour leurs droits, et surtout de mettre fin au tourisme sexuel (individus qui voyagent dans le but d’avoir des relations sexuelles avec la population locale) très présent en Ukraine. Pour le nom de leur mouvement, elles choisissent « femen » qui, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ne signifie pas « femmes » mais « cuisses » en latin. Elles créent également un slogan : « Прийшла, роздяглася, перемогла », qui veut dire en français « sors, déshabille toi, et gagne ». Habillées en prostituées durant leurs premières manifestations, ce n’est qu’à partir de 2009 qu’elles innovent et manifestent seins nus.
« Mais pourquoi manifester seins nus ? »
C’est la question que la plupart des gens se posent dès que le sujet des Femen est abordé. En effet, pourquoi ne pas faire comme tout le monde et manifester habillé, en affichant ses messages sur une simple pancarte ?
Et bien justement, pour appuyer le fait qu’elles ne sont pas juste féministes mais également sextrémistes. Si si, ce terme existe bel et bien, et il a d’ailleurs été inventé par les Femen elles-mêmes. D’après elles, le sextrémisme est une sexualité féminine qui se rebelle contre le patriarcat, et qui s’exprime par des actions politiques directes extrêmes. Plus simplement, le sextrémisme est un féminisme radical. A l’origine, elles choisissent de dénuder leur poitrine car les seins nus symbolisaient la condition de la femme en Ukraine lors des premières manifestations : pauvres, vulnérables, et à peine propriétaires de leurs corps.
Anna Hutsol déclare : « Avec Femen a été inventée une façon unique de nous exprimer, basée sur la créativité, le courage, l’humour, sans hésiter à choquer ». Selon le mouvement, se montrer nue lors de manifestations est également un moyen de donner une signification à la nudité, qui ne soit plus synonyme de prostitution ou d’exploitation sexuelle. En effet, toutes les fonctions du corps féminin sont sévèrement contrôlées et réglementées par le patriarcat. Or, les Femen affirment, en cassant les conventions sociales, qu’elles ne sont pas un instrument au service d’une société patriarcale, au service de l’homme, mais que leur corps leur appartient. C’est une manière pour elles de récupérer leur corps, et d’en faire une arme au service de leurs convictions.

Nudité politique ou exhibitionnisme ?
En janvier 2019, une Femen est condamnée pour la deuxième fois pour exhibition sexuelle. Certains juges en déduisent donc que le regard que l’on porte sur ces femmes ne peut être autre que sexuel : alors que la Cour d’appel avait considéré que les Femen cherchent avant tout à éveiller la conscience politique du public, la Cour de Cassation, elle, ne voit pas les choses de la même façon : une poitrine nue dans un lieu public est une exhibition sexuelle, point final.
En revanche, lorsqu’il s’agit des hommes, ce n’est pas la même histoire. En effet, en mars 2014, plusieurs jeunes hommes se sont livrés à une course totalement nus dans le jardin du Luxembourg. Ils n’ont pas été poursuivis, car « la simple nudité d’un individu sans attitude provocante ou obscène ne suffit pas à constituer le délit d’outrage public à la pudeur », d’après la Cour d’appel. Plutôt contradictoire, non ? La nudité des femmes serait-elle différente de celle des hommes ? Les femmes n’auraient-elles pas le droit d’utiliser cette nudité pour dénoncer l’emprise de la société sur leur corps ?
A en croire la Cour de Cassation, non. Il serait sans doute temps pour la justice française d’évoluer et de considérer la nudité des hommes et des femmes de la même façon. Sexualiser les femmes dans toutes les situations est inacceptable, car elles seules peuvent décider du rôle de leur corps. Face à une justice qui n’hésite pas à censurer le mode d’activisme des Femen, la seule solution pour elles est de continuer à se battre et de résister face aux inégalités entre les hommes et les femmes, malgré une justice très inégale.
Rapport à la religion :
Les Femen remettent en cause la place des religions dans la société et principalement du christianisme, catholique ou orthodoxe, considérant que les églises répandent des valeurs misogynes. Selon elles, « le féminisme et la religion ne sont pas deux choses qui peuvent coexister ». D’après elles, le patriarcat ancré dans notre société découle en partie de la présence des religions. « C’est l’outil le plus efficace que le patriarcat ait trouvé pour appliquer une politique d’autorité masculine. », dit Pauline Hillier, auteur de l’Anatomie de l’oppression, co-écrit avec Inna Shevchenko. D’après elle, on peut être croyante et féministe, mais le féminisme ne peut être religieux. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les Femen ne haïssent pas les religions, mais expriment leur désaccord vis à vis de la place de la femme dans certaines religions. C’est d’ailleurs une de leurs actions contre l’Église qui les ont amenées à Paris : en 2012, Inna Shevchenko tronçonne une croix orthodoxe pour contester la condamnation des Pussy Riot qui, d’après la justice, avaient profané la cathédrale de Moscou. Elle se réfugie donc à Paris, où elle obtient le statut de réfugiée politique. C’est ainsi que le mouvement des Femen s’installe en France.
La France, le siège des Femen :
C’est donc à Paris que se regroupent les Femen afin d’organiser leurs manifestations. Le plus souvent, leurs actions sont une réponse à des événements qui répriment les femmes.
Le 15 octobre 2012, les militantes se rendent devant le Ministère de la Justice afin de dénoncer le verdict du procès des viols collectifs de Fontenay-sous-Bois (dix des quatorze agresseurs présumés ont été acquittés, et quatre d’entre eux sont condamnés à un an de prison). Elles déroulent une grande banderole sur laquelle est inscrit « Rape club » (« Club de viol ») et scandent le slogan« Justice fucks us »(« La justice nous baise »).
Le 20 décembre 2013, afin d’atteindre les campagnes anti-avortement menées par des mouvements idéologiques extrémistes issus de formes déviantes de catholicisme, Eloïse Bouton, chef de file des Femen de France, mime « l’avortement de l’embryon Jesus » dans l’église de la Madeleine à Paris.
Le 5 juin 2014, la militante Yana Zhdanova détruit la statue de Vladimir Poutine au musée Grévin avec un pieu de bois, tout en traitant le dirigeant russe de dictateur.
En septembre 2020, après que l’entrée du musée d’Orsay ait été refusée à une jeune femme qui portait une robe avec un décolleté, elles décident de manifester seins nus dans le musée, avec comme slogan « ceci n’est pas obscène », ou encore « obscene because of you ».
Leur action la plus récente date du 12 novembre 2020 : suite à l’affaire du viol collectif mettant en cause une vingtaine de pompiers, la justice refuse de qualifier les faits de viol, et donc de condamner les hommes en question. Avec ce délibéré, la justice française écarte clairement l’idée que violer une adolescente est une atteinte sexuelle. Les Femen manifestent alors devant la Cour de Cassation afin de réclamer que les tortionnaires de la petite Julie soient punis, avec comme slogan : « Pompiers : 20 violeurs en liberté, justice calcinée ». Ces actions, assez violentes et très provocatrices attirent l’attention des médias, ce qui leur donnent une plus grande visibilité. Elles sont en général arrêtées par la police durant leurs manifestations.


Quels sont leurs objectifs ?
Bien que leurs convictions soient assez claires, leur combat comprend plusieurs objectifs, expliqués sur leur site :
– instaurer une loi des femmes sur le patriarcat et en faire la dernière forme historique existante d’esclavage.
– provoquer le patriarcat dans un conflit ouvert afin qu’il révèle sa nature agressive et anti-humaine pour le discréditer complètement aux yeux de l’Histoire.
– saper idéologiquement les institutions fondamentales du patriarcat (dictature, église, industrie du sexe) et les forcer à se rendre stratégiquement.
– promouvoir une nouvelle sexualité féminine inventée par les femmes et non par les hommes, par opposition à l’érotisme patriarcal et à la pornographie.
– amener les femmes à s’unir afin d’avoir la plus grande influence possible.
– l’extermination complète de la prostitution qui représente une forme flagrante d’exploitation des femmes et de leur sexualisation.
– interdire toute intervention religieuse dans la vie civique, sexuelle et reproductive des femmes.
Ces objectifs, bien que légitimes, représentent tout de même des revendications extrêmes et radicales, ce qui amène régulièrement de nombreuses critiques à propos des Femen.
Un mouvement très critiqué :
L’utilisation de la nudité comme moyen d’action fait débat : selon certains détracteurs, les Femen nuiraient à l’image des femmes, et conforteraient les clichés sexistes. Certaines personnes affirment que leur mode de manifestation est trop violent et inutile. Femen ne fait pas l’unanimité chez les féministes, notamment au sujet de la prostitution et du port du voile, pour lesquels les Femen se montreraient trop dures et trop radicales. Mais ce qui reste le plus critiqué est leur position face aux religions. En effet, certaines de leurs actions sont jugées trop insultantes : en 2013, Inna Shevchenko est accusée d’islamophobie après un tweet : « Qu’est-ce qui peut être plus stupide que le Ramadan ? Qu’est ce qui peut être plus laid que cette religion ? ». Elle supprimera le tweet par la suite.
En février 2013, suite à leur manifestation seins nus dans la nef de la cathédrale Notre-Dame de Paris, une vague d’indignation se lève contre elles, et de nombreuses pétitions sont signées pour obtenir leur condamnation. En France, il existe des groupes anti-Femen, comme les Antigones ou encore les Hommen. Mais c’est en Ukraine que leur réputation s’est le plus détériorée ; il est reproché aux militantes de chercher à se faire remarquer par tous les moyens, en protestant contre tout. Malgré les critiques, elles reçoivent également de nombreux soutiens, et regroupaient environ 90 000 sympathisants en 2013.
En conclusion, les Femen sont un groupe féministe unique en leur genre, qui, malgré leur petit nombre (quelques dizaines de militantes actives en France), font beaucoup parler d’elles grâce à leurs actions inhabituelles et spectaculaires, et permettent, malgré leur violence très critiquée, de faire entendre la voix du féminisme dans le monde entier. Rappelons aussi que le féminisme n’est pas censé nous diviser. Au contraire, il doit amener une nouvelle solidarité et permettre à notre société de changer. Le but est de faire cesser les crimes dont sont victimes les femmes tous les jours (viols, féminicides, excisions, violences conjugales…), c’est pourquoi il paraît important de réfléchir à cette nouvelle forme d’engagement.

Je trouve ton article intéressant d’un bout à l’autre car écrit d’un trait, tout en style direct : on ne peut pas lâcher la lecture ..on est en train de respirer la lecture ! Ce qui est particulièrement parlant est que souvent nous n’avons que des informations partielles des événements crées par les Femen. pour comprendre le mouvement que je salue personnellement pour le choux des causes et du courage puis du symbole ! c’est formidable t’avoir parlé d’un mouvement aussi clairement . Les manifestations par les femmes estune réaction à la société tenue par les hommes d’ une façon très souvent agressive à l’égard des femmes qui sortent du rang et que cette révolte nous la portons – presque tout au cœur?
Toutes mes félicitations pour ton travail.