ACAB : au delà de la haine anti-police

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Le post que vous allez lire est construit comme un édito. Carte blanche a été donnée aux étudiants afin qu’ils expriment leur point de vue en toute indépendance. NDLR

« All Cops Are Bastards », comment ce slogan né dans le milieu carcéral britannique est devenu le mot d’ordre d’une jeunesse ? De la haine anti-police à un message antisystème bien plus fort.

Dans l’histoire 

Bien qu’apparu récemment sur les toiles, certains historiens affirment que l’acronyme est né aux environs de 1920, souvent utilisé par les prisonniers britanniques. Le mouvement skinhead, atteignant son apogée dans les années 70, a largement participé à l’expansion de l’usage du slogan. Les musiques des groupes de cette mouvance abordaient constamment les défaillances concernant les forces de l’ordre. Depuis, de nombreuses communautés ou mouvements exposés aux injustices policières ont adopté la devise et l’idéologie « ACAB » en Angleterre, puis rapidemement un peu partout dans le monde.

En France, comme dans beaucoup d’autres pays, l’acronyme est devenu un terme bien plus politique et qui va au-delà de la haine anti-police. Il désigne la saturation face aux « violences policières » et le rejet d’une autorité publique pouvant être violente, raciste, sexiste et homophobe.

Contre une police violente 

L’Assemblée Générale de l’ONU a rédigé un rapport relatant les quatre grands principes juridiques régissant l’usage de la force par la police. « L’usage de la force, ne doit exister que dans un cadre de légitimité, de nécessité, de précaution et dans un contexte proportionné. L’usage de la force doit être puni lorsqu’il est représenté par des fins punitives établissant un rapport de domination gratuit, sans objectif ».

En 2017, le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droit de l’Homme interpellait le gouvernement français quant à l’usage excessif de la force par la police à la suite des affaires Bayiga, Traoré et Luhaka. Suite à ce rappel, la le gouvernement français s’est engagé à plus de transparence sur les chiffres et statistiques de l’IGPN.

Les chiffres des victimes de police sont très peu documentés, la police se montre assez peu transparente sur ses bilans : un comportement mal vu par une population qui voit et qui vit les injustices policières au quotidien. Les réseaux sociaux ont beaucoup contribué à dénoncer cette triste réalité. Face aux réactions qu’ont pu susciter de nombreuses images de violences policières, l’IGPN s’est livrée sur le sujet. Le rapport annuel de 2019 déclare 1460 enquêtes dont 868 pour violences volontaires. Une augmentation assez net de 41% par rapport à 2018.

Alors que des méthodes d’immobilisation comme le pliage ou le placage ventral font encore l’objet de controverses, ce problème reste entier et sans réponse de la part du Ministère de l’Intérieur. Les manifestations tournent souvent à l’affrontement, et les débordements policiers sont nombreux. Les méthodes pour apaiser les foules sont jugées extrêmement disproportionnées, ce qui revient à débattre sur l’armement massif des forces de l’ordre françaises. Entre le flashball, un LBD40, une grenade de désencerclement et une grenade explosive GLI F4, la police française est l’une des mieux armées d’Europe. Cependant, la nécessité quotidienne de cet équipement est remise en cause quant à la dangerosité de la plupart de ces armes. 

Manifestation contre la proposition de loi « Sécurité Globale »

Contre une police raciste

Il a récemment été révélé qu’entre 5 000 et 8 000 policiers s’échangent, depuis 2015, des messages racistes, mais également sexistes et homophobes sur un groupe Facebook, suspendu le 3 juin 2020, à la demande du Ministre de l’Intérieur. Une triste réalité qui mérite de ne pas rester dans le silence. Face à un gouvernement inactif, les divisions ne font que s’amplifier. L’idée d’une police structurée selon un modèle « blanc » perpétuant un schéma colonial, basé sur le racisme dérange une population française globalement progressiste. Il ne s’agit pas d’englober l’ensemble de la police dans le racisme, mais de prévenir les comportements de « discrimination systémique » à l’encontre des personnes noires et arabes. Une réforme serait la bienvenue en ce qui concerne le recrutement, la formation et le mode de commandement des forces de l’ordre.

Le racisme au sein de la police est avant tout un problème interne. Il s’exprime de manière externe lors des contrôles d’identité, des contrôles routiers ainsi que des opérations anti-fraudes. Le délit de faciès est un sujet encore d’actualité. C’est pourquoi certains sociologues suggèrent la suppression des contrôles d’identité, d’autant plus que cette pratique ne serait pas nécessaire dans la lutte contre la délinquance, selon de nombreuses études. D’autres pensent que l’IGPN devrait devenir une institution plus indépendante du pouvoir ministériel, ce qui permettrait une plus grande transparence envers la société civile. Enfin, multiplier les organismes de lutte contre le racisme, comme le Défenseur des droits (DDD), ne serait pas de trop.

Contre une police sexiste 

Selon une étude menée par l’association Vie Féminine, la police refuserait trop de plaintes et laisserait donc trop de femmes subir des violences. Les trois raisons principales sont : la banalisation des violences, l’incapacité à reconnaître et cerner les violences, la responsabilisation de la victime. Une enquête menée le groupe F et le compte Tumblr « Paye ta police » à partir de témoignages démontre que 60% des femmes ont dû faire face à un refus ou insister pour pouvoir le faire.

Des mobiles de refus insoutenables qui reflètent un clair manque d’éducation et donc de compassion vis à vis des violences faites aux femmes. Pourtant, la Loi exige que toute plainte soit réceptionnée par la police pour tout fait de harcèlement de rue (sifflement, insultes, remarques, gestes obscènes). Un membre des forces de l’ordre ne peut refuser de prendre une plainte, même s’il estime que celle-ci ne fera pas l’objet d’une enquête. 

Évaluer correctement le niveau de détresse et de danger d’une victime, voilà l’objectif de certaines formations, souvent basées sur le volontariat. Malheureusement, trop peu de commissariats et de policiers en bénéficient ou s’y intéressent. Déconstruire les violences banalisées serait bien plus efficace si ces journées préventives étaient intégrées à la formation initiale des policiers.

Formation des policiers sur les violences intra-familiales et conjugales en Ariège

Contre une police homophobe 

Alors que les violences à l’encontre de la communauté LGBT ne font qu’augmenter, le nombre de plaintes à la police, lui, stagne depuis des années. SOS Homophobie rapporte que le nombre de plaintes au commissariat représente 1% des 2 396 témoignages enregistrés par l’association dans son rapport de 2020.

Malheureusement, l’historique du système policier peut expliquer son attitude répressive à l’égard de l’homosexualité, considérée à l’époque comme une déviance, et assimilée aux activités illégales (banditisme, prostitution). La police était formée à réprimer les comportements contraire à la bonne morale. Les textes légaux du dictionnaire général de police administratif de 1816 déclarait ainsi «  Toutes mauvaises mœurs étant destructrice de l’ordre social et de la tranquillité publique, c’est aux magistrats et aux officiers que revient le droit de les punir ». La communauté LGBT ne peut se sentir en sécurité face à une institution policière qui a commis trop de bavures et dont le caractère patriarcal inclue surtout des hommes. 

Des formations bénévoles existent dans le but d’aider les forces de l’ordre à identifier les actes transphobes et homophobes. Ceux-ci sont, ou doivent être considérés comme des circonstances aggravantes dans une agression car il s’agit d’un « motif abjecte ». 

Plus de transparence 

Alors de que de nombreuses affaires agrémentent la contestation contre le projet de loi sur la sécurité globale, beaucoup sont ceux dans l’attente d’une prise de décision juste et réfléchie de la part du gouvernement. Des réponses transparentes quant aux violences dans la police française et un véritable ré-aménagement dans son recrutement apaiseraient les maux. 

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