« Le cœur synthétique » est un roman de Chloé Delaume qui vient d’obtenir le Prix Médicis. Est-ce un cadeau à mettre sous le sapin de Noël ou à offrir à ses amis ? Une interview croisée de deux lecteurs.

Q : Vous connaissiez Chloé Delaume avant de lire ce roman ?
P : Non, c’est la première fois que je lis un de ses livres. Elle a un style étonnant : elle construit des phrases courtes, remplace des adjectifs par des mots. Le tout est très vivant même s’il m’a fallu quelques pages pour trouver un rythme de lecture. En tout cas, on ne se perd pas dans des longues descriptions, ce que je redoute toujours dans un roman.
E : J’avais lu, il y a quelques années, « Le cri du sablier » qui avait aussi obtenu un prix littéraire (le Prix Décembre en 2001, NDLR). C’était un récit autographique assez troublant puisque l’héroïne racontait avec un style déjà très particulier comment son père avait tué sa mère avant de se suicider devant elle !
Q : Quel est le sujet du roman « Le cœur synthétique » ?
P : Le personnage principal s’appelle Adélaïde. Elle a 46 ans. Elle traverse une crise existentielle post-divorce. On la suit sur deux plans : sa vie amoureuse et sa vie professionnelle, toutes deux compliquées. Sa recherche d’un « partenaire particulier » idéal, qu’elle appelle Vladimir, est à la fois drôle et désespérée.
E : Sa vie professionnelle aussi est un peu une mise en abyme : on retrouve des personnages qui sont manifestement familiers à l’autrice puisque l’héroïne travaille dans une maison d’édition. Elle suit la carrière d’écrivains particulièrement susceptibles avec beaucoup d’empathie. Parmi eux, il y a une certaine Clotilde Mélisse, qui pratique l’autofiction expérimentale, qui a notamment écrit « Le vagissement du minuteur » et qui… ressemble comme deux gouttes d’eau à Chloé Delaume.
Q : Qu’est-ce qui vous a marqué dans ce roman ?
P : Sa description de la sororité. Adélaïde se reconstruit parce qu’elle est accompagnée par des amies qui lui renvoient des reflets subtils. On comprend la touche de douceur qu’elles apportent dans le cœur de cette célibataire qui doit apprendre ou réapprendre à vivre avec elle-même. Et son chat qu’elle a baptisé Perdition. Plutôt drôle comme nom, n’est-ce pas ?
E : Oui, surtout qu’on apprend que son chat précédent s’appelait Xanax ! C’est vrai que douceur et douleur se combinent dans son récit. Ce qui est frappant c’est la lucidité de l’héroïne qui raconte ce qu’elle traverse tout cela avec authenticité et autodérision.
Q : Vous êtes d’accord avec le verdict du prix Médicis, alors ? C’est un livre à conseiller ?
P : Oui. J’aime bien me projeter dans cette formule : « Adélaïde Berthel, une femme comme un tas d’autres. Qui n’a pas besoin d’homme pour se sentir exister ». Ce roman a un côté libérateur. Pour moi, Chloé Delaume montre que la femme est plus libre que ce qu’elle peut penser. Elle peut se détacher des traditions sociétales et patriarcales. Assumer que la femme a une autre valeur que sa beauté physique et sa jeunesse. Elle peut vieillir sans redouter de perdre son charme ou son capital séduction !
E : C’est vrai que son personnage nous entraîne jusqu’au bout de la nuit, pour faire un clin d’œil à ses références musicales. Chaque titre de chapitre renvoie d’ailleurs à une chanson des années 80. Là encore, on reconnaît l’univers de Chloé Delaume qui a, par exemple, écrit pour le groupe Indochine. D’ailleurs, elle sort, en même temps que son roman, un album de dix titres, « Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine » qui correspond en quelque sorte à une bande son du roman. Original aussi, non ?
P : Oui, et très plaisant. J’ai adoré ces titres de chapitres et son amour pour la musique des années 80. J’ai même apprécié de chercher les titres qui m’étaient inconnus.
Voici une interview de l’autrice sur son oeuvre:
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Etudiante en 2e année de Production à l'ISCPA, j'aime la musique, le cinéma et la photographie.