La chaîne de télévision américaine ESPN diffuse depuis 2009 une série de documentaires appelée 30 for 30. ESPN étant une chaîne sportive, ce programme raconte le parcours et la vie de personnalités influentes du monde du sport. L’épisode du 7 juin dernier était consacré à Bruce Lee.
En tant que Français ayant des parents originaires de Chine, il m’a toujours paru difficile de trouver des figures auxquelles proprement m’identifier. Que ce soit dans les plateaux de télévision, les films que je voyais ou la musique que j’entendais à la radio, il fallait le vouloir pour obtenir un semblant d’Asie. Quand j’ai entendu parler de Bruce Lee la première fois, cela avait l’air trop loin de moi, trop vieux peut-être. Pourtant, des années plus tard, il est devenu un modèle. Un modèle de réussite d’abord, puis de persévérance, et enfin un modèle de vie.
Etre ou ne pas être
Ce qui m’a le plus touché dans la vie de Bruce Lee est sa quête perpétuelle d’identité. Une légende, un mythe comme lui ne savait, non plus, où se placer dans cette société ? Le Petit Dragon (son surnom) est né à San Francisco, mais a grandi à Hong Kong, avant de retourner aux Etats-Unis des années plus tard. Lui qui a dû s’accomplir en tant qu’homme dans un pays qui n’était pas le sien, ne pouvait choisir entre ses racines et sa terre d’accueil. Ou plutôt, n’avait d’accueil nulle part. Lorsque Hollywood lui a offert son premier rôle dans une série américaine, c’était pour jouer Kato, acolyte et majordome japonais du héros Le Frelon Vert. Lorsque Linda Lee Caldwell, veuve de Bruce Lee, a poussé les studios à lui donner plus de dialogues, la série prit fin.

Après des années de disette, c’est à Hong Kong qu’il décida de se relancer, sur grand écran cette fois. Mais une fois encore, il fut accueilli hostilement comme celui qui était « au-dessus des autres » car il avait pu tourner en Amérique. Même quand le succès lui a enfin ouvert les bras dans son pays, l’acteur se sentait comme emprisonné. Cependant, il savait au fond de lui où aller. Il ne s’agissait pas seulement de réussite populaire mais bien de recherche de soi.
Be water, my friend
Bruce Lee était bien plus qu’un maître des arts martiaux ou qu’une superstar de cinéma. D’ailleurs, il ne se sentait pas superstar. Pour lui, ce terme n’était qu’une illusion. Qu’était-t-il donc ? Un illuminé ? Sûrement pas. Un philosophe ? Peut-être.
« You put water into a cup, it becomes the cup. You put water into a bottle, it becomes the bottle. You put it in a teapot, it becomes the teapot. »
Bruce Lee dans une interview pour le Pierre Berton Show, 1971
La philosophie occupait une part importante de sa vie. A chaque art martial ses valeurs : la sienne était l’adaptation. La révélation apparut un jour de frustration où Bruce Lee semblait perdu. C’est en donnant un coup de poing dans l’eau qu’il comprit. Pour se comprendre soi-même, il faut comprendre les autres et pour comprendre les autres, il faut s’adapter. L’eau est probablement l’élément qui démontre le mieux cette notion. Il faut devenir eau et s’adapter à chaque situation, dans un combat d’art martial ou dans le grand combat qu’est la vie.
C’est ainsi qu’il créa son propre art martial : le Jeet kune do. Cet art en regroupe plusieurs, car Bruce Lee pensait qu’avoir un style était un frein : son propre style était alors de ne pas en avoir. Jeet kune do signifie « voie du poing qui intercepte ». Il faut intercepter son adversaire avant même qu’il ne frappe. Malheureusement, le 20 juillet 1973, après avoir prit des médicaments contre un mal de tête qui le suivait, survint l’impossible à intercepter.
Héritage
Bruce Lee est mort en 1973 à l’âge de 32 ans. La reconnaissance lui a souri en 71 et, entre ces deux années, il a tourné dans cinq films. Aujourd’hui, son nom est lié à ceux de Jackie Chan et Jet Li en tant que grands acteurs chinois/maîtres d’arts martiaux. Les avertis savent que ces deux derniers n’auraient jamais eu cette carrière sans Bruce Lee. Les plus avisés, eux, savent que son nom appartient au Panthéon des légendes, à côté de Mohamed Ali par exemple.

Dana White (président de l’UFC) et Conor McGregor (champion UFC à multiples reprises) n’ont jamais dissimulé leur admiration pour le regretté Bruce Lee. Alors qu’il a toujours été une inspiration pour le second, le premier, lui, le considère même comme le « père du MMA » (Mixed Martial Arts). Kareem Abdul-Jabbar (6 fois « MVP » de la NBA) était un disciple et ami de Bruce Lee (qu’il a pu affronter dans Le Jeu de la Mort, en 1978). Les acteurs Steve McQueen et Sharon Tate également (la relation entre Lee et Tate est brièvement illustrée dans Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino). L’impact du Petit Dragon va au-delà du sport. Il était un homme inspirant qui donnait aux autres des moyens d’exprimer ce qu’ils étaient au fond d’eux.
Zen

La quête de soi et l’harmonie absolue avec soi-même résident sûrement parmi les secrets les mieux gardés qui soient. Après 21 ans d’existence, je n’ai que nullement le recul, la sagesse et la situation pour y parvenir. Evidemment, Bruce Lee ne m’aidera que partiellement à atteindre ce stade, cependant, il m’a permis de comprendre autre chose. Avoir deux cultures est une force. Prendre le meilleur des deux pour mieux comprendre qui nous sommes, là est la clé.
Avoir la vingtaine en 2020 m’aide aussi énormément. Dans un monde où Crazy Rich Asians est la comédie romantique la plus rentables de sa décennie, où les groupes de K-pop Blackpink et BTS envahissent les charts et où le manga est vu comme un art, il m’est, à présent, plus facile de m’identifier à des cultures qui me ressemblent.
Actuellement en 2e année de Bachelor Communication à l'école ISCPA Paris, je suis passionné par le football et par le cinéma. Ce deuxième centre d'intérêt occupait tellement de place dans ma vie que j'ai décidé de créer des moyens pour y exprimer mon amour. C'est ainsi que vous pourrez me retrouver sur Instagram: @themoviecolorist2 et sur Youtube: The Movie Colorist.