A24, nouvel espoir du cinéma d’auteur américain ?

0
679

1981, le Nouvel Hollywood ajoute le dernier clou à son cercueil avec l’échec cuisant et monumental de la Porte du Paradis, superproduction et film fleuve de Michael Cimino. A partir de cet évènement, c’est la début d’une transition (ou plutôt d’un retour) vers le plein pouvoir des producteurs au sein de l’industrie cinématographique, après une décennie 70 où ont émergé des grands noms, tel que Martin Scorsese, Brian De Palma, Francis Ford Coppola ou Sam Peckinpah. Des productions calibrées pour le grand public, et la naissance d’un nouveau genre découleront de cette chute : le blockbuster d’action. Die Hard, Terminator, Rambo ou même L’arme fatale en sont de bons exemples. Petit à petit, le réalisateur devient un prestataire, interchangeable, et qui n’est là que pour répondre à un cahier des charges mis en place par des producteurs, n’ayant aucunement son mot à dire sur le scénario, le casting et même le déroulement du tournage.

Depuis cette période, les copier-coller, l’uniformisation d’une industrie où les sociétés de productions se contentent de recycler des formules « qui marchent » afin d’y capitaliser, n’ont de cesse de se multiplier. Seulement, voilà que certaines boîtes, observatrices et conscientes du problème, tirent leurs épingles du jeu. Parmi elles, Miramax ou New Line entre autres, à qui l’ont doit notamment les premiers films de David Fincher, Quentin Tarantino, Kevin Smith ou bien Gus Van Sant. Ces sociétés de productions arrivent tout de même à survivre au sein de l’industrie, notamment grâce à des gros succès (New Line produira la trilogie du Seigneur des Anneaux), mais le blockbuster attire de plus en plus de monde en salle, et l’arrivée du piratage au début des années 2000 reste un ennemi redoutable face aux films beaucoup plus modestes, qui n’attirent pas autant de gens au cinéma.

Au fil des années, ces sociétés perdent de la vitesse, et vont faire face à un ennemi de taille : Marvel Studios. Depuis 2008, cette société de productions qui adapte leurs Comics en long métrages, rafle tout sur son passage, même si l’on constate en parallèle le développement chez Warner de Harry Potter et Fast & Furious chez Universal, avec leurs interminables séries de suite. Il ne reste plus grand place pour le cinéma d’auteur de jadis, et une société de production qui ferait confiance à ses metteurs en scènes et scénaristes, sans les brider avec un budget limité ou des contraintes de « Final Cut ».

Mais c’est dans ce contexte que sort de nulle part une petite société modeste de productions de cinéma, A24 Films, fondées en 2012 par trois producteurs de cinéma vétérans aux CV plutôt modestes, John Hodges, David Fenkel et Daniel Katz. Leur parti pris ? Faire confiance aux auteurs, et profiter d’une demande forte d’une part d’un public las de cette uniformisation de l’industrie américaine, qui fait pâle figure face à un homologue coréen, qui, depuis près de 20 ans maintenant, se démarque par des propositions toujours plus ambitieuses et qualitatives. Le premier succès de A24 voit le jour en 2012, avec la bombe Spring Breakers de Harmony Korine, film déjanté et aussi beau que crasseux, derrière son allure de teen movie et son casting haut de gamme (James Franco et Selena Gomez).

Spring Breakers, film d’Harmony Korine sorti en 2012, produit par A24.

A partir de là, la machine est lancée, et A24 multiplie chaque année les succès critiques et publics, faisant émerger de nouveaux visages au sein du paysage cinématographique américain, tel que Ari Aster (Hereditary, Midsommar), Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse), David Robert Mitchell (It Follows, Under the Silver Lake), Sean Baker (The Florida Project) ou bien même les frères Safdie (Good Time, Uncut Gems). La consécration aura lieu en 2016, lorsque Moonlight, film de Barry Jenkins sur un jeune homosexuel noir des ghettos de Floride, remporte l’Oscar du meilleur film cette même année. La société signe alors des deals de distribution avec les plateformes de streaming émergentes, parfaitement conscientes de la transition qui s’opère dans la manière de consommer du cinéma. C’est ainsi que l’on peut voir des films comme Uncut Gems sortir directement sur Netflix, et devenir des succès, ou bien de voir la quasi totalité de leur catalogue se retrouver sur Amazon Prime après leur sortie en VOD/DVD.

L’équipe du film Moonlight, lors de la remise de l’Oscar du meilleur film en 2016.

L’une des forces de A24, c’est cette faculté à éveiller la curiosité chez les acteurs stars. Ainsi, Robert Pattinson, Willem Dafoe ou Adam Sandler entre autres, ont confiance en leurs projets, et savent qu’ils peuvent s’y investir à fond en tant qu’acteurs, sans être emportés dans un engrenage et un désastre de production comme peuvent l’être certain projet de majors. Metteurs en scène, scénaristes et acteurs y sont libres, et cela demeure un point bien trop important pour être négligé par ces corps de métiers du cinéma. On peut d’ailleurs relever l’équité opérée par A24, qui n’hésite pas à mettre en avant des réalisatrices féminines, comme Greta Gerwig (Lady Bird), Sofia Coppola (On the Rocks), Lulu Wang (The Farewell) ou bien même Claire Denis (High Life). Avec à peu près 20 films par an, A24 est devenu la société la plus en vogue du cinéma américain, et se promet à un avenir d’autant plus radieux, avec de beaux projets en perspectives.

Affiche promotionnelle de The Green Knight, prochain film de David Lowery avec Dev Patel, produit par A24.
Plus de publications

Etudiant 2ème année en production audiovisuelle et musicale.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici