Les Strokes sont un de ces groupes qui ont créé un nouveau mouvement dans le Rock au début des années 2000. La sortie de leur premier album a alimenté ce qui allait devenir la renaissance du garage rock aux États-Unis, aux côtés d’albums de The White Stripes, Interpol et Yeah Yeah Yeahs. Leur son simpliste, mais évocateur, a rendu les jeans skinny et les guitares populaires à nouveau, et ils ont réussi à garder un son à la fois congruent et frais d’un album à l’autre au fil des années. Alors, plongez avec moi dans une analyse d’un des groupes les plus influents du rock des années 2000.
L’auteur-compositeur-interprète Julian Casablancas, le guitariste Nick Valensi et le batteur Fabrizio Moretti ont commencé à jouer ensemble après s’être rencontrés à la Dwight School de Manhattan. Le bassiste Nikolai Fraiture s’est ensuite lié d’amitié avec Julian alors que les deux fréquentaient une école privée bilingue à New York, et plus tard, Julian est allé en Suisse dans un pensionnat, où il a rencontré le guitariste Albert Hammond Jr. , qui l’a rejoint à New York, et a fini par partager un appartement avec lui. À partir de là, les cinq garçons ont décidé de créer un groupe ensemble. Ils ont joué différents concerts à New York, par exemple au Luna Lounge, et ensuite au Mercury Lounge. Après avoir répété un tas de chansons, dont beaucoup finiront par être sur leur premier album, ils décident d’enregistrer un EP : « The Modern Age », qui sort en 2001 grâce aux labels britanniques Beggar’s Banquet et Rough Trade. Cet EP a déclenché une énorme guerre d’enchères entre les maisons de disques qui voulaient le groupe. Ils ont finalement décroché un contrat avec RCA.
Leur premier album a été enregistré peu après la sortie de leur EP, et a depuis été considéré comme l’un des meilleurs premiers albums de tous les temps. Les paroles de Julian sont remarquables par leur simplicité et, pour la plupart, peignent différentes images de ce que c’est que d’être jeune à New York et de tomber amoureux. Leur son a également capturé quelque chose de simpliste : la plupart des chansons ont été étoffées à travers des prises live en studio, et sur le disque, vous pouvez entendre des lignes de batterie métronomiques, des mélodies optimistes et parfois conflictuelles qui se fondent avec la voix de Julian, qui peut parfois éclater en semi-cris stridents. Le public avait vraiment besoin de « Is This It », l’album est devenu 71ème dans les charts britanniques en 2001, et a atteint la 33ème place sur le Billboard Top 200 aux États-Unis l’année suivante. Mais, bien qu’il n’atteigne pas le top dix, l’album a progressivement gagné en popularité au fil du temps et a été certifié platine au Canada, au Royaume-Uni et en Australie. Mais encore une fois, pourquoi cet album a-t-il soudainement pris de la vitesse en termes de ventes ? Pourquoi est-ce devenu un tel phénomène ?
Remettons les choses dans leur contexte. C’était donc au début des années 2000, le Grunge vieillissait, le Britpop était jeté par la fenêtre, et le Nu Metal… eh bien, beaucoup de gens détestaient ce genre dès ses débuts. La vision des Strokes sur le Garage Rock et la renaissance post-punk redonnent vie à la culture rock. L’opinion populaire passe des DJs et de la musique pop aux jeans skinny et aux guitares. Certes, je caricature un petit peu, mais il est important de noter ce changement capital. Quoi qu’il arrive, ce qu’ont fait les Strokes a définitivement provoqué un changement dans la culture musicale. Il est devenu acceptable pour les maisons de disques de rechercher de nouvelles têtes dans la musique rock, comme The Libertines, Arctic Monkeys ou encore Kings of Leon.
Les Strokes ont commencé à enregistrer son deuxième album en 2002 avec le producteur Nigel Godrich, connu pour son travail avec Radiohead, mais ils ont finalement décidé de renoncer à ce qu’ils avaient fait avec Godrich, et sont retournés travailler avec Gordon Raphael, qui avait produit leur premier album. En parlant de leur premier album : quand ils ont enregistré « Is This It », ils ont pu tester leur chansons dans différentes salles pendant un certain temps avant de l’enregistrer. Mais avec « Room on Fire », leur deuxième album, ils sont passés directement de la tournée au studio, avec une échéance à atteindre, ce qui a limité leur production créative. Le processus de création de l’album a été assez difficile pour le groupe, et il n’a pas obtenu le même succès commercial que leur premier, mais c’était quand même un effort solide. Leur son a suivi les mêmes points de référence qu’avant, et l’album a été un pas en avant pour le groupe en termes de réputation médiatique.
« First Impressions Of Earth », leur troisième album, est sorti en janvier 2006. Il a été enregistré sur une période de dix mois, avec Gordon Raphael, intervenant initialement en tant que producteur. Mais comme le groupe voulait que David Kahne le coproduise, et que Raphael avait du mal à travailler avec lui, ils ont fini par laisser Kahne faire l’essentiel de la production. Cet album a cimenté le son du groupe, tout en montrant quelques lueurs ici et là de nouveauté et d’expérimentation en cours de route. Un bon exemple pour ceci est « Ask Me Anything », qui ne présente que ce qui semble être des samples de violoncelles et d’alto.
Après avoir fini la tournée pour « First Impressions Of Earth », le groupe a décidé de faire une pause pendant un certain temps. Ils ne sont retournés à l’écriture de nouvelles chansons qu’en 2009. Lorsqu’ils ont annoncé qu’ils étaient de retour, ils ont partagé une partie de leur processus créatif sur les réseaux sociaux, déclarant qu’ils faisaient un mélange de rock des années 70 et de musique du futur. Ils ont également expliqué qu’ils étaient beaucoup plus collaboratifs en termes d’écriture de chansons. Le groupe était toujours dans cette optique durant toute la première étape de la création de chansons, mais après être entrés en studio, ils ont commencé à faire face à des problèmes. Joe Chiccarelli avait été engagé pour produire l’album, mais, se sentant déçu de ses efforts en raison de son style de production réservé, le groupe a fini par abandonner toutes les chansons qu’ils avaient créées avec lui… à l’exception d’une : « Life Is Simple In The Moonlight « . Le groupe cherchait à créer quelque chose de plus expérimental, quelque chose de similaire à ce qu’il avait entendu sur d’autres disques comme ceux de MGMT, Arctic Monkeys et Crystal Castles. Ils ont ensuite décidé de choisir Gus Oberg comme producteur pour le reste de l’album, mais bien que la production ait répondu à leurs attentes, pour une raison quelconque, Julian s’est moins engagé dans leurs sessions. En termes de son dans cet album, ils sont restés fidèles à leurs origines, mais ils ont expérimenté avec des samples de midi électroniques, des synthés et des effets de guitare. Le producteur Gus Oberg a également enregistré les pistes de guitare numérique, puis les a réenregistrées en numérique pour obtenir un son plus analogique. Mais ce n’est pas tout : ils ont également changé la manière d’enregistrer la voix de Julian. C’était la première fois qu’ils utilisaient des chœurs dans leur musique. Ils ont inclus des harmonies vocales et ont expérimenté différentes techniques de superposition de voix.
Leur 5ème album “Countdown Machine” est sorti en mars 2013, et c’est le dernier de leur contrat avec RCA. Étrangement, le groupe a décidé de ne pas apparaître dans les médias avant, pendant et même après la sortie de cet album. Aucune interview, photo, apparition à la télévision, émission ou tournée n’a été faite. Les fans n’ont pu les voir jouer live qu’en 2014-15, où ils ont organisé un nombre limité de spectacles.
Nous arrivons alors à leur EP “Future Present Past”, sorti en 2016 et contenant trois nouvelles chansons, ainsi qu’un remix. On dit que le titre de l’EP représente les trois chansons originales de l’EP. “Drag Queen” fait référence au futur, “Oblivious” fait référence au présent, et “Threat Of Joy”, au passé.
Maintenant que nous en avons fini avec la présentation de leurs anciens albums, et que vous vous êtes familiarisés avec le groupe, parlons rapidement de leur dernier album “The New Abnormal”, sorti le 10 avril 2020, sept ans après “The Countdown Machine” (considéré par le public comme étant leur album le moins réussi). Cet album est peut-être l’un des albums les plus étranges des Strokes à ce jour. Bien que le disque pousse assez les limites pour le groupe, il est aussi un peu régressif, car un disque des Strokes n’a pas sonné aussi désordonné et déformé depuis « Is This It ». Simultanément sur tout cet album, le groupe prend des risques vocaux et instrumentaux que vous ne pouvez trouver sur aucun projet précédent. De plus, une grande partie de l’écriture sur cet album a tendance à être longue, sinueuse : on a, dans cet album, certaines des chansons les plus longues du groupe. Cela n’empêche pas qu’il soit, pour moi, la renaissance des Strokes. L’album est fantastique dès le début : “The Adults Are Talking” est une chanson sublime, commençant sur un air jovial, confiant, puis qui nous emballe progressivement grâce à la voix de tête de Julian Casablancas. De manière générale, Julian est excellent dans cet album, avec un registre vocal époustouflant. Mais les instruments font eux aussi leur travail, en permettant à l’auditeur de se plonger, d’apprécier réellement la musique. Il faut dire que l’album est produit par Rick Rubin, qui a notamment produit Johnny Cash, ou encore Santana, Aerosmith, Run-D.M.C, et j’en passe… L’album est percutant, beau.
Les Strokes sont une fois de plus retentissants, et ça fait du bien.
C’est sur cette merveille que je vous laisse, en espérant qu’elle vous ai ému(e) tout autant que moi.