Eden : un paradis perdu

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Dans ces prochaines lignes je ne vais pas m’essayer à l’analyse ni à la critique d’une œuvre, mais plutôt vous donner quelques clés pour comprendre ce film, son contexte historique et culturel.

Le 19 novembre 2014 sortait le 4ème long métrage de Mia Hansen-Løve, Eden. L’ancienne critique aux Cahiers du Cinéma s’inspire de la vie de Sven Løve, son frère, féru de garage et DJ parisien, remplissant les clubs entre les années 90 et 2000.

Au début des années 90, Paul, personnage principal, enchaine les clubs et les rave parties, découvrant ainsi un milieu festif, bruyant et coloré. Petit à petit, il va se greffer à la communauté de la house parisienne, et va être propulsé sur le devant de la scène avec les soirées Cheers.

Paul, alter ego de Sven Løve, interprété par Felix de Givry

Le film est divisé en deux parties. La première partie du film, porte le nom du club mythique new-yorkais, le Paradise Garage. Larry Levan, papa du garage, y mixait des heures, passait des centaines de disques que tout le monde s’arrachait le lendemain chez les disquaires. C’était l’âge d’or de cette musique groovy et langoureuse. Mais l’histoire se penche plus précisément sur Paul, qui, au milieu des années 90, lance les premières soirées parisiennes.

Très rapidement le phénomène explose et rencontre un succès immense. Il faut savoir que jusqu’à cette période, la house et le garage n’était pas du tout des genres populaires, il s’agissait plutôt d’une contre culture de niche. Paul côtoie plusieurs acteurs de la scène artistique, notamment Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homen-Christo (dans une scène de la soirée costumée, où les Daft Punk passent pour la première fois leur titre Da Funk, fera frémir les fans hardcore du duo masqué) et se produit à l’international, du PS1 au MOMA, à New-York. Cette partie est assez représentative du phénomène de l’époque, la house crée un vrai séisme dans l’industrie musicale. La « culture club » éclate en France, notamment grâce à Laurent Garnier. Les personnages ne semblent pas réaliser ce qui leur arrive, ils deviennent en très peu de temps les messies de la funk et du disco dans les night-clubs parisiens.

Guy Manuel joué par Arnaud Azoulay (à gauche) et Thomas Bangalter joué par Vincent Lacoste (à droite)

Tout s’enchaine très vite, les soirées Cheers accueillent de moins en moins de public, le garage devient has-been, les personnages sombrent peu à peu.. certains dans la cocaïne (qui se propageait de manière exponentielle lors des soirées), d’autres sentent que leur passion s’effrite : c’est la fin d’une ère.

Plus mélancolique et sombre, la deuxième partie est marquée par un évènement tragique, qui intervient au sein du groupe (pas de spoiler dans cette article !) et par les clameurs amoureuses de Paul, sa dépendance à la drogue ainsi qu’à ses problèmes financiers qu’il rencontre, dus à la « mort » du garage entre 2000 et 2010. Le personnage de Paul est esseulé, ne comprend pas cette interruption soudaine du garage comme si il s’agissait d’une vulgaire mode.

Chacun fait son bonhomme de chemin, les Daft par exemple, sortent leur deuxième album, Discovery, et rencontrent un succès critique et commercial ; les personnages d’Arnaud et Cyril sortent leur bande dessinée, fruit de plusieurs années de travail. C’est une passe difficile pour Paul, qui n’arrive pas à aller de l’avant, contrairement aux personnes susnommées. D’ailleurs, une dizaine d’années passent et l’acteur ne semble pas vieillir… on peut alors supposer qu’il s’agit d’un parti pris de la réalisatrice, afin de mettre en exergue le refus du personnage de grandir et d’évoluer.

Bien qu’il fasse référence au mouvement porté par les Daft Punk, il ne s’agit pas d’un film sur la frenchtouch ou même la culture club, mais plutôt sur une époque où tout s’enchaine à une vitesse folle, sur une jeunesse désabusée qui peine à se réédifier.

PS : À tous les aficionados de musique house et ceux qui veulent la découvrir, plongez-vous dans la bande originale du film, elle est sublime et elle regroupe le « gratin » de l’époque : Derrick May avec sa reprise mémorable de Sueno Latino, Frankie Knuckles, acteur ultra important de la scène de Chicago, les Daft, qu’on ne présente plus, Aly-Us, ou encore Paul Johnson. Je ne peux que vous conseiller également la bande dessinée de David Blot et Mathias Cousin, Le chant de la machine, retraçant de manière singulière et habile l’histoire de la house.

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Je suis étudiant en 2ème année de production à l'ISCPA.

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