« Circles » de Mac Miller : une vision imparfaite de la vie

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Le 3 août 2018, Swimming est sorti. C’est le premier projet de Malcolm (Mac Miller) depuis Divine Feminine, que j’ai tout autant adoré. J’écoute Mac depuis K.I.D.S.

De « Senior Skip Day » à « Spins », K.I.D.S décrit ce que chaque adolescent angoissé admirait. Mac était libre. Il faisait tout ce qu’il voulait. Adolescent dans ces années-là, je pense qu’il est peut-être l’un des artistes que j’ai le plus admirés. J’écoutais fréquemment ses albums. Après autant d’écoutes, vous finissez par être submergé dans chaque parole sans même essayer : vous les buvez d’une traite, en appréciant toujours plus le moment. Il est clair que Swimming détaille les problèmes actuels de Mac dans sa vie, sa tentative de garder la tête au-dessus de l’eau, tout en nageant contre les problèmes de la vie. Il apprend véritablement à gérer ces problèmes au sein de Swimming, et nous le rejoignons dans sa quête de croissance psychologique.

Mais le 7 septembre 2018 marque la fin de celle-ci : avec le suicide de Mac, la quête de paix psychologique marque son dernier album non-posthume. Un sentiment d’amertume a pris le dessus sur cet album. Mac est entré dans une période de deuil bien méritée, silencieuse, pendant laquelle presque aucune mise à jour n’a été faite sur ce qui allait suivre. Seuls quelques singles sont sortis pendant cette période. 

Mais le 8 janvier 2019, l’album Circles a été annoncé, et une date de sortie, prévue pour seulement neuf jours plus tard, a été officialisée. On apprend alors que Mac était en plein processus d’enregistrement de Circles, qui était censé être un album compagnon de Swimming, créant le concept de nager en rond. L’album était en effet en cours d’enregistrement en février, bien avant sa mort. Il a travaillé en étroite collaboration avec Jon Brion tout au long de l’album, et Jon a pris le flambeau et a terminé l’album, pour honorer la mémoire de Mac. Brion a créé une grande empreinte au sein de l’industrie de la musique et du cinéma, produisant de nombreuses musiques de films comme « Eternal Sunshine of the Spotless Mind », qui était d’ailleurs mentionné dans la chanson de « Of the Soul » écrite en 2011.

Afin de comprendre Circles, « So It Goes », le dernier morceau de Swimming, est indispensable. Mac garde une place spéciale pour les écrivains et leurs œuvres dans son cœur. Cette fois, c’était pour le roman « Slaughterhouse-Five » de Kurt Vonnegut, car chaque fois que, dans le roman, la mort survient, le terme « so it goes » l’accompagne. En utilisant le même terme pour toute mort dans le roman, Vonnegut montre que la mort est inévitable, peu importe votre importance ou ce que vous avez fait dans la vie. C’est la vie. C’est quelque chose qui ne peut pas seulement être appliqué à la mort, mais également aux malheurs de la vie elle-même. Parfois, des gens terribles vivront longtemps et prospéreront, ou encore des gens formidables mourront trop tôt : « so it goes”, nous n’avons aucun contrôle là-dessus. 

L’album commence avec Mac se sentant perdu, prenant conscience que même si sa tête est hors de l’eau, il ne va nulle part, ce qui l’incite à penser qu’il tourne en rond depuis la fin de sa relation. Il ne lui reste rien d’autre que des souvenirs et le sentiment d’être seul, une fois de plus.

Un thème récurrent dans la musique de Mac est l’âge. Si vous avez parcouru un peu sa musique, vous pouvez avoir l’impression que Mac a vécu de multiples vies. Il est difficile de vous décrire un artiste qui a grandi aussi vite : la maturité dont il a fait preuve à travers son personnage s’est d’abord trouvée grâce au jazz, avec Larry Lovestein, à seulement vingt ans. « The Divine Feminine » parlait même d’amour avec une maturité bien au-delà des autres artistes qu’on peut écouter aujourd’hui. En fait, Mac se sentait vieux, parce qu’il avait vécu plus d’expériences au cours de sa courte vie que ceux ayant le triple de son âge. De l’intimité, au voyage à travers le monde, ses expériences l’ont rendu extrêmement diversifié. De plus, vieillir est souvent associé à des complications, allant de la santé aux relations, d’où la raison pour laquelle il semble être trop jeune pour se sentir aussi vieux.

Tout au long de l’album, Mac se sent prisonnier dans son propre corps, ce qui ne lui était pas inconnu, comme en témoignent Circles, ou même Swimming. Il est à nouveau accompagné de ses propres pensées, classées, comme nos souvenirs, nos sentiments et tout ce qui nous rend humains, puis nous trouvons des moyens de les relier tous ensemble. Il y a une réelle beauté dans « Good News » : Mac fait un voyage en dehors de sa propre tête. Il classe les bonnes comme les mauvaises pensées, afin d’en acquérir une compréhension, d’en tirer une leçon. Il plonge dans son propre égo, et réalise que les personnes qui l’entourent ont leur mot à dire sur ses jours heureux, comme ses jours de dépression intense. En catégorisant ses pensées négatives et positives dans sa tête déjà bien trop encombrée, Mac crée une chanson lui montrant qu’il devrait se concentrer sur les bonnes pensées. Et finalement, grâce à ça, Mac peut y voir un peu plus clair. Mais il est encore trop loin : là où il se noyait autrefois, il nage maintenant, mais il a encore besoin de conseils lui permettant d’atteindre la perspective dont il rêve, alors qu’il est au plus bas. Classer ses pensées négatives et positives n’est qu’une étape, créer une perception de compréhension est comme apercevoir un mirage : cela ne permet pas d’être guidé. Décrypter ce qu’est un rêve et ce qui est réel est presque impossible lorsqu’on est emprisonné dans son propre esprit.

Si je devais résumer “Everybody” en trois mots, nous nous retrouverions une fois de plus avec le mantra “so it goes”. Mac ne pouvait pas parler de la mort d’une manière plus belle que dans cet album. Il a samplé le poète renommé Charles Bukowski, dans « Wedding », chanson de sa mixtape « Faces », et la manière dont il parle de la mort dans Circles présente des similitudes assez fortes. Je vous mets ci-dessous une vidéo de Bukowski s’exprimant sur le caractère répétitif de la vie, amenant à une lassitude qui peut permettre une certaine acceptation de la mort. La seule chose qui ne lui fait pas ressentir chaque coucher de soleil de la même manière, c’est lorsque Mac le partage avec une autre personne : partager une perspective de vie avec un être cher rafraîchit la mémoire d’une répétition de la vie, coupant à Mac son envie de partir.

Alors que l’album continue avec « Woods » et « Hand Me Downs », nous comprenons que les événements se répètent. À travers les hauts et les bas de la vie et des relations, nous pouvons lentement réaliser qu’il tourne en rond, mais qu’à chaque fois, il se réalise lentement. La réalisation, fondamentale, et la paix dans son esprit autrefois encombré, se trouvent dans « That’s On Me » : le sommet de l’altruisme et l’acceptation de la fin de sa relation. Sa direction est enfin trouvée, et son cheminement spirituel est plus clair par rapport au début de l’album.

Nous avons tous nos propres points de vue sur le symbolisme de Circles. Swimming est un compagnon de Circles : on ne va nulle part, on se retrouve au début, sans espoir une fois de plus. On a tous l’impression de nager en rond parfois, non? Mais chaque fois que nous recommençons un cercle sans espoir, nous recommençons notre voyage, sans être la même personne. Si nous considérons chaque pensée que nous avons comme une expérience d’apprentissage, nous pouvons réaliser qu’en recommençant dans notre cercle, on ne part pas complètement de la case départ. C’est comme commencer un nouvel emploi après avoir été licencié. Vous possédez un ensemble de compétences intangibles, que vous n’aviez pas la dernière fois que vous avez commencé.

Mac devient la meilleure version de lui-même en se comprenant au cours de son voyage à travers l’album. La chanson finale « Once A Day » est l’une des rares à n’avoir été écrite que par lui. « Don’t keep it all in your head / The only place that you know nobody ever can see » (Ne garde pas tout dans ta tête / Le seul endroit que tu sais que personne ne peut jamais voir) est indéfiniment l’une des paroles les plus optimistes que Mac ait jamais écrites. A la fin de l’album, il a atteint le sommet de la prise de conscience et comprend que personne ne vit dans un cercle parfait, ce qu’il exprime dans sa chanson « Perfect Circle », dans « GO.OD AM », à travers la question « pouvez-vous dessiner un cercle parfait ? ». Nous voyageons tous sur notre cercle imparfait, mais cet album montre qu’une amélioration est possible à travers la répétition. Si nous saisissons l’occasion de comprendre et d’accepter nos fautes, nous grandirons et, finalement, les choses iront mieux.

Quant à moi, je vous conseille vivement d’aller écouter l’album, si possible d’une seule traite, afin de mieux envisager ce voyage dans un esprit tourmenté, s’exprimant librement suite à une accalmie.

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