Dans la peau d’un policier : le livre « Flic »

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De quoi ça parle ?

Le livre de Valentin Gendrot, sorti le 3 septembre 2020, est un témoignage de son infiltration dans la police française. Après une formation de 3 mois pour devenir ADS (Adjoint de sécurité) il fait 15 mois de sécurité en hôpital psychiatrique puis 6 mois dans le commissariat du 19ème arrondissement de Paris. Son objectif est de comprendre les policiers et voir ce qu’aucun autre n’a vu.

Ce livre sort dans un contexte particulier, peu après les révélations des groupes Facebook dans lesquels des échanges racistes entre policiers étaient exposés au public, après les dénonciations de violences policières et l’essor du mouvement Black Lives Matter.

La violence dans la police

Dans le livre de Valentin Gendrot, on lit clairement un racisme omniprésent envers les migrants, noirs et arabes. Ils sont nommés les « batards », et sont déshumanisés. Dès son arrivée dans le commissariat du 19ème, il est témoin de violences envers un jeune en garde à vue. Plus tard, il assistera également à des scènes violentes envers les migrants. Un policier coléreux se défoule sur eux à plusieurs reprises sans que personne ne le dénonce, la violence est donc banalisée. Malgré le fait que certain ne le cautionnent pas ces comportements, chacun a trop peur des représailles s’il ose « balancer ».

Egalement, la hiérarchie semble plus tolérante face aux fautes de violences et les passe sous silence, car elle est aussi en tort et surmène ses effectifs. Les policiers les plus virulents se sentent donc libres de déborder en toute impunité.

Les violents ne craignent pas de s’attaquer aux migrants, car ils sont impuissants. De nombreux sont des délinquants avérés, qui ne se risqueraient pas en justice face à un policier, ou sont simplement effrayés de la police, qui s’impose à eux par la terreur.

Des policiers sont également motivés par un sentiment d’injustice. Pour eux, la loi est trop laxiste avec les migrants, leurs peines sont trop légères : ils ne finissent pas en prison, et les jeunes sont même fiers de dire qu’ils sont passés en garde à vue, ce n’est pas une punition pour eux.

De nombreux policiers choisissent ce métier « pour l’adrénaline », et sont donc parfois déçus de s’ennuyer lors de patrouilles : il n’y a pas de délits tous les jours.

Le recrutement est loin d’être aussi rigoureux qu’on pourrait le penser : dans son témoignage, Vincent rencontre un collègue qui a déjà un casier judiciaire, mais n’était pas passé par l’étape prison. « Les policiers sont des délinquants qui ont bien tourné » lui dit un autre de ses collègues.

On peut également comprendre ce manque de sens des responsabilités lorsque l’on regarde la formation d’ADS qu’a suivi Valentin Gendrot : en 3 mois de formation, seulement 1% est consacré au code de déontologie.

Le mal-être des policiers

La police est la deuxième profession où il y a le plus de suicide en France : on parle même de « sur-suicides ».

Ces chiffres peuvent s’expliquer par la misère quotidienne subie. Les conditions de travail des policiers sont déplorables, le matériel est en mauvais état, les locaux souvent délabrés. La violence et la mort omniprésente influent sur le moral. Dans le commissariat où Valentin a travaillé, un policier qu’il ne connaissait pas lui-même a mis fin à ses jours, ce qui a touché plusieurs de ses collègues. Le regard des citoyens également, méfiant et réprobateur, est un poids. Leur salaire bas, une surcharge de travail et des horaires décalés fatiguent. La zone géographique de leur lieu de travail les éloigne parfois de leurs familles, ou les tasse à quatre dans une chambre de 15m2. Sur le temps de travail, l’ennui lors des patrouilles se fait ressentir dans le quotidien dont l’auteur est témoin : il n’y a pas toujours de délit à constater, ce qui s’oppose aux quotas imposés, les patrouilles ont un nombre d’intervention à respecter, ce qui pousse des policiers à intervenir parfois sans nécessité.

“Quand tu découvres leur vie, tu t’aperçois que c’est la misère. Ils habitent dans des HLM, ils ont des salaires minables, ils sont tous dépressifs. A la limite dans le quartier, on a une meilleure vie qu’eux”

Ladj Ly dans Les Misérables (2019)

De plus, il y a une fracture entre la hiérarchie et les policiers, un écart entre ce qui est dit et ce qui est réellement sur le terrain. Beaucoup se sentent abandonnés, incompris, ont l’impression d’être les boucs émissaires.

Les avis

Pour certains ce livre est factuel et d’utilité publique. Son travail est admiré, et prouve à quel point il est facile de rentrer dans les forces de l’ordre.

Pour d’autres l’auteur a fait cela dans un but commercial et trouvent ça honteux qu’il ait couvert des bavures policières.

Les conséquences 

Le jeudi 3 septembre 2020, la préfecture de police de Paris a annoncé avoir signalé au Procureur de la République aussi bien ces « faits supposés », que l’absence de signalement. Une enquête est donc ouverte et confiée à l’IGPN, la « police des polices ». Le « PV mensonger » auquel a participé Valentin Gendrot pour couvrir son collègue durant son infiltration est un « faux en écriture publique », considéré comme « un crime » passible de quinze ans de prison.

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